Intervenant·es de gauche à droite :
- Ingrid-Hélène Guet, Directrice Générale du Mouvement Sol ;
- Vincent Dupuy, coordinateur de l'Abeille et co-administrateur du projet TERA (tous ensemble vers un revenu d'autonomie) ;
- Marie Vitoux, adjointe à la ville de Nantes déléguée à l'ESS et membre du conseil métropolitain ;
- Julien Noël, géographe en recherche action pour la Caisse Commune Alimentaire du 44 ;
- Sarah Joséphau, utilisatrice citoyenne et membre d'Énergie de Nantes.
Agir dans un monde incertain : la monnaie locale comme solution ! C'est sur cette thématique qu'ont été invité·es à échanger nos 5 intervenant·es pour la clôture des 5 ans de Moneko. Et la réponse s'est dessinée d'elle même lors d'échanges de grande qualité.
De l'alimentation à l'éco-construction en passant par l'énergie, les intervenant·es ont exposé les possibilités de re-localisation de la production vitale au sein d'un écosystème de monnaie locale. Et ont dessiné les possibles pour ajouter une nouvelle dimension au projet avec des politiques sociales ambitieuses, de la sécurité sociale de l'alimentation à l'idée d'un revenu d'existence en monnaie locale.
La monnaie locale : un outil au service d'un projet de territoire
Quel est le bon territoire pour déployer une monnaie locale ? Communauté de communes, Département, Région ? À cette question, Ingrid-Hélène du Mouvement Sol répond que la bonne échelle est celle d'un projet de territoire.
Pour Marie Vitoux, élue de la Ville et Métropole de Nantes, Moneko est justement un outil au service d'une politique de transformation écologique, de relocalisation de l'économie et de reprise d'un pouvoir citoyen. Pour soutenir la monnaie locale, la collectivité s'engage notamment via un soutien financier et l'adhésion de plusieurs de ses entités rattachées (Voyage à Nantes, Cité des Congrés, Naolib, etc.). Surtout, la ville contribue elle même à la mise en circulation de la monnaie, avec un certain nombre d'élu·es et d'agent·es qui reçoivent des parties de salaire ou d'indemnité en Moneko.
En 2021, un rapport d'impact du Mouvement Sol a montré l'impact transversal des monnaies locales au service de la transition, avec des bénéfices écologiques, territoriaux, économiques, mais aussi sur les dynamiques territoriales et la solidarité !
C'est sur ce dernier axe qu'Ingrid-Hélène insiste. Les réseaux de monnaie locale ne sont pas que des réseaux économiques : ce sont des réseaux de solidarité et d'entraide, où l'on peut voir, par exemple, un menuisier venir en aide à un paysan pour ses panneaux indicateurs. Entre habitant·es et acteur·ices économiques, ce sont aussi des espaces où renait un lien social né de la sensation d'appartenance à un même écosystème.
Pour François Nicolas, l'un des fondateurs du Retz'L ayant pris la parole en fin de table ronde, l'intérêt principal de la monnaie locale reste celui-ci : la reprise du pouvoir par des citoyen·nes qui s'assemblent et deviennent maîtres·ses de leur monnaie. Avec une préférence notée pour la monnaie en version papier :).
Et avec sa casquette de citoyenne, Sarah nous parle d'un autre bénéfice de Moneko, dans une époque d'extême-droitisation du paysage politique : "Je crois que c'est le maillage territorial et la solidarité à l'échelle locale, avec ces réseaux de valeurs partagées, qui vont nous permettre de traverser les années à venir. Je ne fais pas circuler énormément de monekos, mais quand je vois Moneko quelque part je le prends comme un label de confiance. Et ce réseau, travaillé depuis des années, est précieux".
Relocaliser la production vitale, rendre le territoire résilient
Mais la monnaie locale, c'est pas un peu un truc de bobos ? Une question parfois posée, et un possible angle mort des monnaies quand malheureusement, la production locale et de qualité est souvent plus onéreuse que des produits fabriqués plus loin dans des conditions pas jojo.
Pour Vincent de la monnaie l'Abeille et du projet de territoire TERA (pour lui, les deux ne se dinstinguent quasiment pas), l'essentiel est dans la possibilité de relocaliser (et de payer en monnaie locale) la production vitale. Trois axes sont identifiés : la capacité à construire des maisons, à produire de l'énergie et à s'alimenter, via des associations fiscalisées ou des coopératives. Pour créer du lien sur le territoire, c'est l'alimentation en circuit court qui a été pensée dans un premier temps. Puis, l'habitat, avec la création d'une entreprise de d'éco-construction et de formation. Reste la relocalisation énergétique, en cours avec l'installation de panneaux photovoltaïques et un partenariat avec Enercoop.
En Loire-Atlantique, au moins deux de ces trois piliers sont adressés ou en cours de l'être. Parlons de l'énergie, d'abord, avec un projet plus qu'innovant sur le territoire : Energie de Nantes (EDN), mouvement de réappropriation populaire de l'énergie, qui a a son actif la réhabilitation du Moulin de l'Anfrenière à Gorges, et son action de lutte contre contre la précarité énergétique. Dernière étape franchie par EDN : devenir le premier fournisseur d'énergie associatif de France. Avec une intention affichée d'être un fournisseur accessible et solidaire.
En plus de fournir de l'électricité aux citoyen·nes, EDN accepte désormais également les professionnel·les, mais pas n'importe lesquels. Pour Sarah, s'appuyer sur la charte de Moneko fait alors sens. Et puisqu'il est possible de payer ses factures d'énergie en Moneko, c'est un nouveau débouché offert aux pros qui souhaitent remettre en circulation leur monnaie locale.
Sécurité sociale de l'alimentation... et même revenu d'existence en monnaie locale ?
Au-delà de l'énergie, l'alimentation est un autre volet de la production vitale pris en compte par Moneko, avec un poste dédié à l'alimentation-agriculture durable, financé pendant trois ans par l'ADEME. Le but : faire circuler la monnaie locale en remontant les filières agricoles jusqu'aux paysan·es. Mais aussi, intégrer Moneko dans le projet de la Caisse commune alimentaire du 44.
Julien explique : l'idée de la sécurité sociale de l'alimentation repose sur trois principes : l'accessibilité à tous et toutes, le conventionnement de lieux et produits décidés par un collectif, et la cotisation en fonction de ses moyens. Dans le département du 44, on parle de Caisse Commune Alimentaire pour parler du dispositif d'expérimentation sur deux territoires, urbain (Chantenay-Bellevue) et rural (une partie du Pays de retz). Le lancement de la première caisse est pour fin aout 2025.
La sécurité sociale de l'alimentation allie transition agricole et alimentaire, justice sociale, réappropriation citoyenne, coopération territoriale, soutien à l'économie locale... autant de principes et d'objectifs proches de ceux de Moneko. Il est alors apparu naturel que Moneko soit l'outil monétaire de la CCA. Pour l'expertise monétaire, pour le renforcement mutuel des projets... Mais aussi pour aller plus loin, et permettre que continue de circuler la monnaie sur le territoire après la première dépense.
Du côté de TERA, le projet est encore plus ambitieux : créer un revenu d'autonomie inconditionnel, distribué en monnaie locale. Un principe rendu possible, comme l'explique Vincent, par l'effort de relocalisation et de mise en commun de la production vitale. Parti d'un soutien financier important de la Fondation de France au lancement du projet, l'objectif final est de générer ce revenu d'existence par la production locale, avec une boucle vertueuse de production et de consommation en monnaie locale auprès des acteurs du territoire.
Une critique parfois adressée aux monnaies locales concerne leur incapacité à changer les règles du jeu économique via la création monétaire. Pour Vincent, à partir du moment où une monnaie locale commence à circuler au-delà d'une masse critique, la question ne se pose plus : "On ne réfléchit plus aux euros. On a les Abeilles, et on se les distribue entre nous. La logique n'est plus la même. On joue avec des règles différentes : les nôtres."
Alors demain, peut-être, un revenu d'existence en Moneko en Loire-Atlantique ?
Visionner la table ronde
Prise de vue par François Nicolas
Prochains épisodes :
→ Moneko dans les médias ! (épisode 4/4)
Épisodes précédents :
→ Une seule monnaie locale pour tout le département ! (épisode 2/4)
→ Une journée de convivialité... Et de chaleur ! (épisode 1/4)